dimanche 2 mars 2014

3REG Printemps 2013- Thème: Lumière


On s’est balancé dans le fond de ma cour, pis après je lui donné des biscuits au mercure pour qu’il ne revienne plus me voir. Car ça fait déjà  trop longtemps qu’il squatte ma tête et mes yeux. Je pense que les anges déchus doivent avoir la peau brûlée pour s’être trop rapproché du soleil. Ils ont la peau noire et cendrée mais leur cœur bats encore à tout rompre comme un oiseau enfermé dans une cage. Lui, il n’est pas un ange aux ailes cassés et au cœur en bandoulière. Il est dans le type petit prince de désert qui s’envole avec un voilier d’outardes et repart  mordu par une vipère. Je lui ai demandé s’il voulait que je lui dessine un mouton. Il m’a répondu qu’il préfèrerait Nathalie Portman nue, avec Mila Kunis sur elle. Des choses comme ça qui arrivent. Je n’ai jamais été bonne en dessin, alors je ne lui dessine rien.  Je voudrais lui écrire une partition de mots qui s’aiment, mais vous savez, les mots c’est toujours plus difficile à donner. C’est trop précieux et émotifs pour être donné du bout des doigts pour tromper l’ennui de l’autre. J’aime mieux les garder au fond de ma gorge et les ravaler comme du sirop Benylin pour la toux aux raisins en plastique passé date. Et quand je ne sais plus quoi dire, je cours dans les rues comme une évadée de l’usine des fous, pour fuir mon esprit, pour peut-être qu’il tombe dans la rivière Saguenay ou se fasse avaler par le crépuscule meurtrier avaleur  d’âmes ramollies par les violons des films qui finissent mal.
Je me demande si les natifs de Chicoutimi sont conscients, l’automne, du rouge matriciel qui coule dans leur rivière. Non, je ne parle pas des déversements de l’usine, épais, je parle des feuilles. Il y a beaucoup de feuillus ici, ils ne connaissent pas leur chance. Les pins noirs rendent les nord-côtiers paranoïaque, c’est pour ça que les gens ne se regardent pas et ne se touchent pas comme les saguenéens. Bref, je regardais la rivière entraîner des petits morceaux de morts colorés, et j’aurais voulu t’inviter, tsé, pour venir te baigner avec moi. Je veux dire ma carcasse et ton corps «tellement tout ça» nu.  On aurait pu aller nager jusqu’à Chicoutimi-Nord, ça aurait pu être bien. Oui oui, je suis un peu folle de même, de l’eau sombre et moutonneuse, des montagnes bleutées et des végétaux morts, moi ça me donne le goût de me sacrer à poil et de plonger. On aurait pu faire un film noir et blanc sur cet instant dans notre vie, me semble que si ma vie serait un film de Truffaut, je serais tout le temps nue.
Mais non, je ne t’ai jamais invité, tu aurais trouvé l’eau froide, tu aurais argué que l’eau est polluée et qu’on mourrait d’hypothermie avant d’atteindre la côte opposée. Je me suis encore enflammée, j’en suis désolée. C’est peut-être pour ça qu’on a jamais fini ensemble, je pense que ton type c’est plus les beautés pâles et fragiles qu’il faut chérir comme un bijou éclatant.
J’aurais voulu être une damoiselle diaphane, boire du vinaigre pour garder ma taille fine. Être une pâle fleur. Mais dans la vraie vie, si tu ne veux pas te faire avaler, t’es mieux d’avaler tout le monde avant qu’ils puissent réagir. Être toujours la plus courageuse, la plus badass. J’aurais aimé être un personnage de fiction plein de «fétichisme de la  hantise et de la persécution», de pathos poétique et de sentiments d’inquiétante étrangeté. Oui, être un personnage de fiction et vivre d’une manière plus réelle que la vraie vie.

 Je ne sais pas si tu es le petit garçon qui «kick le cul» des pissenlits en arrière de la maison ou c’est seulement un petit peu toi. Tu devais lui ressembler quand tu étais marmot, vous êtes tous les deux du type enfant perdu qui dort sous les ponts. Des yeux noirs à la Oliver Twist avec une tête et des cheveux tels une tempête au large. Quelque chose de beau et de jeune qui ne veut pas mourir. Une douce flamme.

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